Bretagne et Grand Ouest

Paru dans defenddemocracy le 29 décembre 2022

http://www.defenddemocracy.press/on-the-way-to-a-new-world-order-%e2%88%92-for-cooperation-instead-of-confrontation/

Notes :

  • Cet article constitue la déclaration finale du Conseil Fédéral Allemand pour la Paix, qui s’est réuni les 10 et 11 décembre 2022 à Kassel, Allemagne.
  • Il a été traduit de l’Allemand vers l’Anglais par John Catalinotto et publié initialement dans Workers.org et Iacenter.org (International action) avec la mention suivante : « Cette déclaration est importante pour les militants anti-guerre aux USA, car le débat au sein du mouvement en Allemagne est similaire à celui qui prend place aux Etats-Unis. »

Le vieil ordre mondial unipolaire et dominé par les Etats-Unis touche à sa fin. Les Etats-Unis et leurs alliés utilisent tous leurs moyens pour tenter de stopper cette évolution. Au risque de déclencher une guerre catastrophique, ils intensifient sans cesse leur guerre par procuration contre la Russie sur le terrain de l’Ukraine. En parallèle, ils allument la mèche dans le Pacifique et autour de Taiwan avec des activités militaires dirigées contre la Chine. La guerre économique, qui enfle depuis février, aggrave la faim et les inégalités sociales dans le monde entier et sape le combat contre le réchauffement climatique.

Du tournant historique de 1999 à la guerre en Ukraine

On parle beaucoup du ‘Zeitenwende’, le ‘tournant historique’, associé à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En réalité, ce tournant s’est opéré bien avant, en 1999 avec l’invasion de la Yougoslavie par l’OTAN qui a marqué le début d’une longue liste de guerres et d’interventions menées par le camp occidental en violation de la loi internationale. En même temps, l’OTAN a commencé sa progression vers la Russie en absorbant les pays anciennement regroupés dans le pacte de Varsovie, brisant ainsi la promesse faite à Moscou que l’alliance militaire ne « s’étendrait pas d’un pouce vers l’Est ».

Ce tournant historique a signifié le début de la fin de la tentative d’instaurer un ordre européen pacifique démarrée dans les années 1990 avec entre autres la Charte de Paris et le traité Deux Plus Quatre [de 1990, fixant les frontières de l’Allemagne]. Ces accords alliaient le droit à choisir ses propres alliances avec l’obligation de ne pas chercher à consolider ses positions militaires aux dépens des tierces parties et de prendre en compte les intérêts sécuritaires de tous les états.

Le dédain sans principe pour ces accords de la part de l’OTAN a poussé la confrontation toujours plus loin, impliquant le positionnement de troupes et des manœuvres d’envergure aux frontières même de la Russie, puis en affirmant la vocation de l’Ukraine à rejoindre l’OTAN. Le coup d’état du Maidan en 2014, suivi du réarmement de l’Ukraine et de son intégration dans l’appareil militaire de l’OTAN ont fini par constituer une menace inacceptable pour la Russie, singulièrement lorsque le positionnement de nouveaux missiles Etats-Uniens à moyenne portée a été mis à l’ordre du jour. Les Etats-Unis et l’OTAN ont alors superbement ignoré les demandes de la Russie pour des négociations afin d’obtenir des garanties de sécurité.

Dans le même temps, Kiev intensifiait la guerre dans le Donbass. Après avoir refusé pendant 7 années de mettre en pratique les accords de Minsk [établissant un cessez-le-feu dans la guerre civile ukrainienne], accords établis dans le cadre de la loi internationale, le gouvernement ukrainien a lancé une offensive militaire contre les républiques du Donbass à la mi-février 2022. Tous ces éléments doivent être pris en compte pour évaluer l’invasion russe -faite en violation de la loi internationale- et pour déterminer où doivent démarrer les négociations pour mettre fin à le guerre en Ukraine.

Les Etats-Unis et leurs alliés, pour leur part, ont coulé les négociations prometteuses qui ont pris place à Istanbul à la fin du mois de mars et, même après 9 mois de guerre, exhortent Kiev à refuser de montrer une volonté crédible de négocier, quelques soient les circonstances. Ils voient dans une guerre au long cours un moyen d’affaiblir leur rival [russe] et, en conjonction avec une guerre économique sans précédent, de le « ruiner » (selon la ministre des affaires étrangères d’Allemagne, Annalena Baerbock). En alimentant toujours plus la guerre avec des armes lourdes, des conseillers et des instructeurs militaires, des moyens de reconnaissance de l’ennemi, du renseignement et des mercenaires, ils ont pu aider les troupes ukrainiennes à remporter des succès militaires, au prix de lourdes pertes. L’armée russe y répond par des attaques massives sur les infrastructures de l’Ukraine.

Comme l’épisode du missile de défense ukrainien tombé en Pologne l’a montré, la guerre peut s’étendre à tout moment. Chaque jour qui passe augmente le risque qu’un des belligérants utilise une arme nucléaire ou que les attaques contre des centrales nucléaires dans la zone de guerre déclenche une catastrophe.

Nous demandons que le gouvernement allemand et l’Union Européenne arrêtent d’alimenter la guerre avec des livraisons d’armes et de la propagande belliciste et cherchent au contraire sérieusement à obtenir un cessez le feu et des négociations sans préconditions.

Le gouvernement social-démocrate/verts/Démocrates libres (Ampel) est sur une trajectoire qui mène droit à l’abyme. Avec ses partenaires de l’UE, il désorganise l’approvisionnement et suscite l’explosion des prix du pétrole et du gaz. Au-delà des conséquences directes sur le coût de la vie, la volonté d’un découplage économique total d’avec la Russie présage d’un effondrement de l’économie.

En même temps, le gouvernement planifie de renforcer encore le rôle de grande puissance de l’Allemagne à l’aide de gigantesques projets d’armement et prévoit de faire des forces armées allemandes le pouvoir militaire conventionnel dominant en Europe. Il prévoit d’augmenter les dépenses militaires à 2% du produit national brut -ce budget devrait doubler pour atteindre 100 milliards d’Euros en quelques années- détournant des budgets dont le pays a un besoin immense pour confronter ses nombreux problèmes dans les domaines de l’aide sociale, de la santé, de l’environnement et du climat.

Nous demandons que le gouvernement allemand abandonne cette politique anti-sociale qui menace la paix et qu’il désarme !

Nous sommes opposés aux équipements militaires tels que les armes supersoniques qui rendent possible une première frappe décisive de l’OTAN/USA contre la Russie, jouant le même rôle que les Pershing II contre l’Union Soviétique des années 1980.

Le gouvernement allemand doit refuser le positionnement sur son territoire des missiles supersoniques et autres missiles à portée intermédiaire. Il doit rejoindre le traité pour l’abolition des armes nucléaires des Nations Unies et dénoncer les traités en cours autorisant le stationnement des troupes.

Le gouvernement allemand cherche maintenant à appuyer les efforts pour encercler militairement la Chine que les USA ont commencé il y a plus d’une décade en déployant l’armée allemande (Bundeswehr). Une course aux armements de l’occident contre le partenariat entre la Chine et la Russie est une aberration qui peut conduire à l’annihilation de l’humanité.

Les contradictions inévitables doivent être résolues à la table des négociations. La catastrophe climatique, les famines et l’accroissement simultané de la population mondiale auxquels nous devons faire face appellent à plus de coopération, pas à plus de confrontation.

En conséquence, nous plaidons pour un ordre mondial pacifique basé sur la sécurité commune et équilibrée, sur des accords et des structures prenant en compte les intérêts sécuritaires de tous les états. En place d’une OTAN vouée à la dissuasion et aux armes de haute capacité, nous avons besoin d’une Organisation des Nations Unies et d’une Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe libérées de la domination occidentale et capables d’agir.

Nous devons travailler à nous assurer que le nouvel ordre multipolaire mondial reprenne à son compte les principes de justice sociale, de solidarité internationale, de démocratie et de pérennité de l’environnement.

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