Bretagne et Grand Ouest

Ouest FrancePublié dans Ouest France le 6 mars 2014: « Ils donnent leur pension de guerre aux Algériens ».

 

Ils donnent leur pension de guerre aux Algériens

Édouard MARET.

Emmanuel Audrain, Simone de Bollardière et Stanislas Hutin

Emmanuel Audrain: « En allant parler à des jeunes dans les lycées, en apportant leur retraite dans des actions altruistes, les anciens appelés d’Algérie se reconstruisent eux-mêmes. » Simone de Bollardière est attendue à l’une ou l’autre des deux projections. Stanislas Hutin, âgé alors de 22 ans, séminariste, ne cachait rien de son credo pacifiste à El-Mélia ou dans les Aurès, entre novembre 1955 et mars 1956. Il est aussi attendu à l’Arvor. Photos © Aurore Toulon et Claude Stephan.

Le cinéma l’Arvor accueillera, samedi et dimanche, la projection de Retour en Algérie, un film d’Emmanuel Audrain. L’occasion de rappeler l’initiative d’une association d’anciens appelés en Algérie.

L’histoire

L’association est née en 2004, à l’initiative de quatre paysans, près de Millau, en Aveyron. Ils ont fait la guerre d’Algérie, cette guerre coloniale qui a déchiré la communauté française, de part et d’autre de la Méditerranée, entre 1954 et 1962.

En 2004, ils ont décidé, avec d’autres qui les ont rejoints, de reverser leur pension d’anciens combattants (quelque 700 € par an) à des associations. En 2013, par exemple, à Tizi-Ouzou, Mostaganem, dans la vallée du Jourdain ou vers Hébron. Voilà ce qui a inspiré Emmanuel Audrain, le réalisateur de Retour en Algérie dont les acteurs sont ces hommes.

Ni accusation ni condamnation

Ce film, c’est l’évocation de la douleur de ces jeunes au coeur déchiré, soumis à la violence, éteints, auxquels la France demandait de faire taire leur peur. Une mécanique de destruction dont ils ne sont toujours pas complètement remis, aujourd’hui encore. Ce film, c’est aussi l’esprit d’un homme, d’un officier général qui dénonça la torture, le général Jacques de Bollardière. Ainsi a-t-il soulagé la douleur de ces jeunes en disant tout haut ce qu’ils n’osaient plus dire tant ils craignaient au moins autant de leurs frères d’armes que les résistants algériens, les fellaghas.

Ce film n’accuse ni ne condamne les soldats. A le regarder, une question se pose: comment les jeunes d’aujourd’hui réagiraient-ils dans de telles circonstances? Si, hier, à leur arrivée en Algérie, les jeunes métropolitains habillés en soldats ont bien tenté de dire leur opposition aux exécutions, à la torture, très vite, le système, la terreur ont absorbé leur rejet de l’horreur devenu malaise. Un malaise, alpha de la création de l’association par les quatre paysans.

Cette démarche a touché Simone de Bollardière, la veuve du général. « En 2004, année de la création de l’association 4ACG, elle a écrit aux fondateurs pour leur dire combien son mari serait fier d’eux. Membre du comité rennais du Mouvement de la paix, elle est engagée dans des associations, dont l’Association républicaine des anciens combattants, qui militent pour le respect de la personne humaine, de sa dignité, de son intégrité et de ses droits comme c’est le cas des anciens appelés en Algérie contre la guerre », souligne Emmanuel Audrain, le réalisateur du film.

Active, l’association l’est aussi en France, auprès des jeunes pour leur dire qu’il est « des moments dans la vie où il faut oser dire non. Même si on est seul ». C’est ce que dit Simone de Bollardière dans le film: l’obéissance n’est pas une vertu. « Si vous ne vous sentez pas bien, exprimez-le. »

Les guerres d’aujourd’hui

En ce moment, la jeunesse vit d’autres guerres: la drogue, l’alcool, le non-respect de l’autre, de la femme. « Il faut pouvoir dire non »: voilà ce dont ces anciens témoignent. Comme les militaires d’aujourd’hui enseignent aux recrues le devoir de ne pas obéir à un ordre illégal.

Mais, comme le dit dans le film, l’épouse du général de Bollardière: les militaires ne sont pas allés là-bas tout seuls. Et ils n’ont pas été épargnés par la violence des fellaghas. Et, comme le soulignent bien Ali Mammeri et Toufik Khiar, fiers de leur « citoyenneté rennaise », les résistants algériens « ne se battaient pas contre les Français, mais contre le colonialisme, cette idéologie esclavagiste ».

Samedi 8 mars et dimanche 9 mars, à 11 h, à l’Arvor, 29, rue d’Antrain. Entrée: 5€. Le film sera diffusé sur France 3 Bretagne, le 22 mars, dans les documentaires du samedi après midi, et le 24 mars sur France3 Pôle Nord-Ouest.

 

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