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Drone à l’Ile-Longue. Zones d’ombre

30 janvier 2015

Coïncidence ou acte prémédité? L'un des survols s'est produit au moment où un sous-marin nucléaire quittait la base, et "à proximité" de celui-ci. © Le Télégramme

Coïncidence ou acte prémédité? L’un des survols s’est produit au moment où un sous-marin nucléaire quittait la base, et « à proximité » de celui-ci. © Le Télégramme

Selon plusieurs sources différentes, malgré ce que soutient la préfecture maritime de l’Atlantique, un drone a bel et bien survolé la base militaire de l’Ile-Longue (et non ses abords), lundi soir et mardi. Et l’une de ces intrusions s’est bien produite alors qu’un sous-marin était en train de quitter la base.

Mercredi soir, la préfecture maritime de l’Atlantique a pris les devants du Télégramme qui l’avait contactée, quelques heures plus tôt. Et publiait, dans l’urgence, un communiqué annonçant « la détection de drones à proximité d’un site militaire ». Il s’agissait « de ne pas donner l’impression que la préfecture militaire ait voulu cacher quelque chose ».

Coïncidence?

Hier midi, lors d’une conférence de presse, les autorités militaires ont également voulu délivrer un autre message : le dispositif a parfaitement fonctionné. C’est vrai. En grande partie. Selon nos sources, multiples et concordantes, la première alerte a été donnée par un fusilier-marin présent dans un mirador de l’Ile-Longue. Coïncidence ou acte prémédité? L’un des survols s’est produit au moment où un sous-marin nucléaire quittait la base, et « à proximité » de celui-ci. La seconde hypothèse supposerait un bon niveau d’information car les mouvements de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) sont secrets (sauf les mouvements « techniques » en rade, annoncés le jour même). Mardi dernier, il ne s’agissait pas d’un mouvement technique, contrairement à celui annoncé le lendemain, mercredi, entre 10 h 30 et 13 h 30.

Détecté, pas intercepté

Tous les témoignages que nous avons recueillis confirment un impressionnant et très réactif déploiement de forces: hélicoptères évoluant pendant plusieurs heures à basse altitude, fusiliers-marins, gendarmes maritimes, contrôles et fouilles de véhicules… Le ou le(s) drone(s) ont bien été détectés et mis en fuite. Mais il n’a pas été intercepté. Et ce, alors qu’un important dispositif était à ses trousses, et qu’il a été « vu » à au moins six reprises en une dizaine d’heures. « Le dispositif de surveillance et de protection des sites de la Marine permet de garantir leur sécurité et prend bien en compte les potentialités ouvertes par les nouvelles technologies. » Voilà pour la communication officielle de la préfecture maritime. La réalité est beaucoup plus nuancée. Alors qu’il existe des drones chasseurs de drones, des dispositifs pour intercepter et neutraliser d’éventuels intrus aériens, force est de constater que l’Ile-Longue n’en bénéficie pas. Autre alternative : des brouilleurs d’ondes, parade idéale puisque tous les drones civils fonctionneraient sur la même gamme de fréquences. Pour l’Ile-Longue, deux hypothèses: soit la base n’en est pas équipée. Soit le drone a été spécialement configuré pour échapper à un brouilleur classique. Ce qui n’est guère plus rassurant: cela impliquerait que l’opération a été mûrement préparée et réfléchie. Une hypothèse confortée par la facilité avec laquelle le pilote a pu échapper au lourd dispositif mis en place.

Ordre de tir

Selon nos sources, un ordre de tir a été donné, mais « tardivement », dans la matinée de mardi. Cela signifie que la procédure n’avait pas été anticipée, puisqu’elle a, semble-t-il, posé « des problèmes techniques et juridiques », sans parler de l’armement pas adapté à cette menace. Même remarque pour la prise en compte des capacités techniques des drones (rayon d’action, etc.) et des possibles zones d’envol et de décollage sur la presqu’île de Crozon qui, selon nos informations, n’avaient pas été étudiées. Cet incident intervient, enfin, alors que des intrusions sur des sites sensibles en France se multiplient depuis le mois d’octobre. Le risque que l’Ile-Longue, coeur stratégique de la dissuasion nucléaire française, soit prise pour cible était très probable. Selon nos informations, depuis le mois d’octobre, les forces de protection sont sensibilisées à ce risque (reconnaissance et identification des engins, etc.).

 

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