Bretagne et Grand Ouest

Publié dans Le Télégramme le 9 novembre mai 2013 (voir l’article original ici).

 

Missile M51. Un prochain tir sous très haute tension

Le prochain tir de validation du missile M51, à partir du sous-marin nucléaire le Vigilant, devrait intervenir avant la fin de l’année. Jamais la pression n’avait atteint un tel niveau à bord d’un SNLE de l’Ile-Longue.

Le tir raté du M51 en mai 2013

Le tir raté de mai dernier (ci-contre) a entraîné un fastidieux ratissage de la zone en mer, en partie effectué avec l’aide des marins pêcheurs, afin de récupérer un maximum de débris.

Photo &#169 Daniel Budinot.

L’échec de mai dernier, qui avait vu l’explosion en vol d’un missile de type M51, met la pression sur le prochain tir. Un deuxième échec consécutif (une première dans la longue histoire de dissuasion nucléaire) mettrait à mal le principe fondamental de cette arme de dernier recours, reposant sur un concept d’absolue efficacité. La tension ressentie auprès des militaires est palpable mais ce n’est rien à côté des conséquences que pourrait avoir un nouvel échec dans le contexte économique actuel.

120 M€ pièce

Comment expliquer et justifier auprès d’une opinion publique à vif qu’un missile financé à hauteur de 120 millions d’euros fait l’effet d’un pétard mouillé. Les médias se chargeraient illico de rapprocher cet échec de la situation sociale tendue du moment. Et de rappeler qu’il s’agit bien du quatrième essai en mer, d’un sous-marin, contre les six avancés par les autorités afin d’améliorer le ratio.

Selon Jean-Marie Collin, directeur d’une structure qui regroupe des parlementaires pour la non-prolifération nucléaire et le désarmement, la pression est aussi politique. « Le nucléaire militaire ne fait pas l’objet du consensus affiché par le chef de l’État, en tout début de mandat. Un nouvel échec entraînerait à coup sûr une commission d’enquête parlementaire », estime-t-il.

Pression internationale également, avec, par exemple, le Canada qui n’aurait que très peu apprécié les derniers tirs de la France en direction de ses territoires.

Changement de zone de tir

Le prochain tir s’orienterait vers l’Amérique du Sud, avec les changements de paramétrages et d’organisations (autorisations, couloirs aériens…) que cela implique.

Pression aussi pour les marins eux-mêmes, qui n’ont pas le droit à l’erreur à bord de leur sous-marin nucléaire et qui ne souhaitent surtout pas voir une de ces mini-fusées Ariane, chargée de propergol solide, leur péter sous le nez.

Mais prendra-t-on le risque d’effectuer ce tir de validation avant l’imminent vote du budget de la loi de programmation militaire qui vise 23 milliards supplémentaires pour la continuation et la modernisation de la force de dissuasion ou le prochain conseil européen de Défense?

« La faute aux capteurs »

Connaît-on d’ailleurs les raisons précises de l’échec précédent avant de réitérer l’opération? Les maigres éléments dont on dispose évoquent une responsabilité des capteurs et de l’appareillage de mesures qui auraient modifié les conditions de vol du missile. Sans ces équipements ajoutés, l’industriel affirme que l’explosion, quelque temps après la mise à feu, n’aurait pas eu lieu.

Reste qu’un nouvel échec ouvrirait une sérieuse brèche dans le présumé intouchable sanctuaire de la dissuasion nucléaire française.

Stéphane Jézéquel

La permanence de la dissuasion est en jeu
D’ailleurs, quel est le statut opérationnel du Vigilant tant qu’il n’effectue pas ce tir de validation ? Ce retard accumulé fragilise la notion de la permanence à la mer (toujours un navire capable de porter le feu nucléaire), puisqu’il faut au moins deux sous-marins capables de soutenir le rythme. Si deux des quatre SNLE sont en entretien, comment assurer la permanence avec un Vigilant toujours pas qualifié?

 

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