Bretagne et Grand Ouest

Article publié dans LePoint.fr le 30 janvier 2011 (voir ici).

ÉGYPTE – Mohamed El Baradei promet « une ère nouvelle »

L’ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique a été chargé par l’opposition de négocier avec le régime.

Mohamed El Baradei est l’ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)
© Nasser Nasser / AP/Sipa

Mohamed El Baradei, désigné dimanche par l’opposition égyptienne pour « négocier » avec le régime du président Hosni Moubarak après six jours de révolte, est allé au-devant des manifestants au Caire en promettant « une ère nouvelle ». Malgré les nominations annoncées samedi par le président, et les violences qui ont fait au moins 125 morts et des milliers de blessés depuis mardi, la mobilisation ne semblait pas faiblir. À Washington, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a plaidé pour « une transition en bon ordre » et estimé que le processus en était « à peine au début », tout en assurant qu’il n’était pas question de suspendre l’aide à l’Égypte, principale alliée des Etats-Unis dans le monde arabe.

L’Égypte est « au début d’une ère nouvelle », a affirmé Mohamed El Baradei dans la soirée, en s’adressant par haut-parleur à des milliers de manifestants réunis place Tahrir, dans le centre de la capitale, malgré le couvre-feu en vigueur au Caire, à Alexandrie et à Suez de 16 heures à 8 heures (15 heures à 7 heures à Paris). « Je vous demande de patienter, le changement arrive », a-t-il déclaré aux manifestants qui scandaient : « Le peuple veut la chute du président. » Cernée par les chars, la place Tahrir, la « place de la Libération », dans le centre de la capitale, vit depuis mardi au rythme d’une contestation jamais vue en 30 ans de pouvoir de Moubarak. Sur le sol, les manifestants ont peint en immenses caractères arabes : « Va-t-en, espèce de lâche, agent des Américains. »

Évasions de détenus

La chaîne satellitaire al-Jazira, qui fait trembler certains gouvernements arabes par sa couverture des protestations, a été interdite dimanche en Égypte. Dans la matinée, le président a visité le centre opérationnel de l’armée, au lendemain de la nomination d’un vice-président, le premier en 30 ans, Omar Souleimane, et d’un nouveau Premier ministre, Ahmad Chafic. Malgré cette annonce, la Coalition nationale pour le changement, qui regroupe plusieurs formations d’opposition, dont les Frères musulmans, a chargé Mohamed El Baradei, ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), de « négocier avec le pouvoir ». Le président de l’Assemblée, Fathi Sorour, a annoncé que les résultats des élections législatives fin 2010 seraient bientôt « corrigés » en fonction de prochaines décisions de justice. Le scrutin avait été boycotté par les principales forces d’opposition, qui avaient dénoncé des fraudes massives.

Dans la nuit de samedi à dimanche, des émeutes ont éclaté dans plusieurs prisons. Des milliers de détenus se sont évadés d’une prison à 100 km au nord du Caire, et des dizaines de corps gisaient sur la chaussée près d’une autre prison de l’est de la capitale. Pour tenter de rassurer la population, l’armée a annoncé, dimanche, l’arrestation de plus de 3.000 évadés et de fauteurs de troubles. Le mouvement a en partie paralysé le pays : de nombreux distributeurs de billets étaient vides, les banques et la Bourse, qui a enregistré de fortes baisses mercredi et jeudi avant le congé hebdomadaire, sont restées fermées.

Inquiétudes internationales

Après de nombreux pillages au Caire, l’armée semblait plus présente et plus ferme dimanche dans les rues. Des comités de citoyens armés de fusils, de gourdins ou de barres de fer patrouillaient dans les quartiers de cette métropole de vingt millions d’habitants, alors que la police a disparu des rues. La révolte qui a commencé le 25 janvier, onze jours après la fuite de l’ex-président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali sous la pression de la rue, continuait à susciter l’inquiétude. L’ambassade des États-Unis au Caire a annoncé qu’elle se préparait à évacuer ses ressortissants à partir de lundi. De nombreux voyagistes ont suspendu les départs des vacanciers, au plus fort de la saison touristique. L’Arabie saoudite, la Libye, le Liban, l’Inde, la Grèce, la Turquie, l’Irak et l’Azerbaïdjan, dont un citoyen, employé de l’ambassade, a été tué samedi au Caire, ont dépêché des avions pour assurer le rapatriement de leurs ressortissants.

À l’aéroport du Caire, des hordes de touristes, d’expatriés et d’Égyptiens angoissés ont pris d’assaut les guichets de départ, dans une grande confusion, pour essayer de quitter le pays. En Israël, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a affirmé que son pays voulait préserver la paix avec l’Égypte, seul pays arabe avec la Jordanie à avoir signé un traité de paix avec l’État hébreu. Le mouvement Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a annoncé la fermeture du terminal de Rafah, à la frontière avec l’Égypte, provoquant des craintes de pénuries dans le territoire palestinien. Au Soudan, des milliers d’étudiants ont bravé les forces de sécurité pour répondre à un appel à manifester sur le modèle de l’Égypte. Et des manifestations de soutien au mouvement ont eu lieu devant plusieurs ambassades d’Égypte, rassemblant, par exemple, 100 personnes à Amman et 200 à Beyrouth.

 

Archives