Bretagne et Grand Ouest

Logo Athena21.orgPublié dans le blog Athena21.org de Ben Cramer, journaliste/polémologue en décembre 1996: « Généraux et amiraux de tous les pays… » (voir l’article original ici).

 

 

Généraux et amiraux de tous les pays…

Nous, militaires de carrière qui avons consacré nos vies à la sécurité de nos pays et de nos peuples, nous sommes convaincus que le maintien des armes nucléaires dans les arsenaux des puissances nucléaires, et que la crainte permanente que d’autres puissent acquérir ces armes, menacent la paix générale et la sécurité dans le monde, dont celle des populations que nous nous sommes voués à protéger, et menacent même leur survie.

Nos responsabilités diverses, nos expériences des armes et des guerres des forces armées de nombreuses nations, nous ont donné une connaissance intime et sans doute unique de la sécurité et de l’insécurité actuelle de nos pays et de nos peuples.

Nous savons que les armes nucléaires, bien qu’elles n’aient pas été utilisées depuis Hiroshima et Nagasaki, représentent un danger évident et permanentent pour l’existence même de l’humanité.

Durant la guerre froide, elles ont fait courir un risque énorme d’holocauste. Au moins une fois, la civilisation a été sur le point de connaître une tragique catastrophe. La menace a actuellement reculé, mais elle ne sera pas éliminée tant que les armes nucléaires continueront à exister.

La fin de la guerre froide a créé les conditions favorables pour le désarmement nucléaire. La fin de la confrontation militaire entre l’Union soviétique et les États-​Unis a permis de réduire le nombre des armes nucléaires stratégiques et tactiques, [et] d’éliminer les missiles de moyenne portée.

Un jalon vers le désarmement nucléaire a été franchi lorsque la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine ont renoncé à leurs armes nucléaires. La prolongation indéfinie du Traité de non-​prolifération nucléaire (TNP) en 1995 et l’approbation d’un Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBT) par l’Assemblée générale des Nations-​Unies en 1996 représentent également des étapes importantes vers un monde sans arme nucléaire. Nous rendons hommage au travail qui a permis ces résultats.

Malheureusement, en dépit de ces progrès, un authentique désarmement nucléaire n’est pas réalisé. Les traités ne prévoient que la destruction des missiles porteurs et non des têtes nucléaires — ce qui permet aux États-​Unis et à la Russie de garder les têtes en réserve, créant ainsi un potentiel nucléaire réversible. Et pourtant, dans l’ambiance de sécurité de l’après guerre froide, les menaces nucléaires le plus souvent évoquées ne sont plus justifiables de dissuasion, ou ne sont même plus crédibles. C’est pourquoi nous pensons que le chemin actuellement suivi dans le monde en matière nucléaire n’est pas acceptable.

 

Nous sommes profondément convaincus que les démarches suivantes doivent être prises dès maintenant:

  1. Premièrement, les stocks actuels d’armes nucléaires et ceux prévus dans le futur sont beaucoup trop importants. Ils doivent être réduits sans attendre.
  2. Deuxièmement, les armes nucléaires restantes devraient être progressivement, et de manière transparente, mises hors d’alerte, et leur disponibilité réduite de façon conséquente aussi bien dans les États nucléaires déclarés que dans les États nucléaires de facto.
  3. Troisièmement, la politique nucléaire internationale à long terme doit se baser sur le principe de l’élimination progressive, complète et irrévocable des armes nucléaires.
    Les États-​Unis et la Russie devraient, sans que cela porte atteinte à leur sécurité militaire, poursuivre le processus de réduction déjà enclenché par les accords START, ils devraient réduire à 1000-1500 chacun leurs têtes nucléaires, voire encore moins.

Les trois autres puissances nucléaires, et les trois États du seuil devraient participer à un processus de réduction qui serait négocié et les amènerait à en conserver quelques centaines. La défense de l’intégralité territoriale de chaque pays n’est pas incompatible avec l’abolition des armes nucléaires. On ne peut, pour le moment, prévoir ou inscrire dans un programme les circonstances et les conditions exactes qui conduiront finalement à cette abolition. Une des conditions essentielles sera un programme de surveillance et d’inspections, y compris des mesures d’évaluation et de contrôle des stocks de matières fissiles. Ceci évitera que des aventuriers ou des terroristes ne cherchent à se doter clandestinement d’une capacité nucléaire sans risquer d’être découverts très rapidement.

Il est essentiel de se mettre d’accord sur un procédé d’intervention internationale obligatoire, susceptible de mettre fin définitivement et rapidement à des efforts clandestins.

La création de zones dénucléarisées dans différentes parties du monde, des mesures de confiance et de transparence dans le secteur de la défense en général, une mise en oeuvre stricte de tous les traités de désarmement et de contrôle des armements, ainsi qu’une assistance mutuelle pour le désarmement sont également importants pour aller vers un monde dénucléarisé. Le développement de systèmes régionaux de sécurité collective, y compris des mesures pratiques de coopération, de partenariat, d’interaction et de communication sont essentielles pour établir une stabilité locale et la sécurité. Il est impossible de dire dans quelle mesure l’existence des armes nucléaires et la crainte de leur utilisation ont pu dissuader la guerre, dans un monde où, cette année, (1996), 30 conflits militaires ont été engagés. Il est évident, malgré tout, que les États qui possèdent actuellement des armes nucléaires ne les abandonneront que s’ils sont persuadés de disposer de moyens plus sûrs et moins dangereux pour assurer leur sécurité. C’est pourquoi il est évident que les puissances nucléaires n’accepteront pas maintenant un calendrier précis pour l’abolition.

Il est également évident que, parmi les pays qui ne possèdent pas d’armes nucléaires, il y en a qui n’accepteront pas de renoncer définitivement à en acquérir et à en développer si leur sécurité n’est pas assurée. En particulier, ils ne renonceront pas si les pays qui en possèdent actuellement s’entêtent à perpétuer leur monopole nucléaire. Le progrès vers l’abolition est en premier lieu de la responsabilité commune des États nucléaires déclarés, Chine, France, Royaume-​Uni et États-​Unis; de celle des États nucléaires de facto, Inde, Israël et Pakistan; et des grandes puissances non nucléaires: Allemagne et Japon. Tous les pays devraient tendre vers le même objectif. Nous sommes confrontés à un défi de la plus grande importance historique: créer un monde libéré des armes nucléaires. La fin de la guerre froide le rend réalisable. Les dangers de la prolifération, du terrorisme aussi bien que le risque d’une nouvelle course aux armes nucléaires le rendent nécessaire. Nous ne devons pas manquer de saisir cette opportunité. Il n’y pas d’autre alternative.

Décem­bre 1996

 

Signés par…

    Canada

  • Major General Leonard V., John­son, (Ret.), Commandant, National Defense College
  • Dane­mark

  • Lt. Gen­eral Gun­nar Kris­tensen, (Ret.)‚ ex-​chef d’état major
  • États-​Unis

  • Gen­eral Andrew J. Good­paster, ex-​commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) (1969−74)
  • Gen­eral Lee But­ler, U.S. Air Force (Ret.), for­mer Commander-​in–Chief, United States Strate­gic Air Com­mand (1992−94); for­mer Commander-​in-​Chief, US Strate­gic Com­mand (1992−94)
  • Lt. Gen­eral Julius Bec­ton
  • Gen­eral 2 étoiles William F. Burns, envoyé spécial en Russie pour le démantèlement nucléaire 1992–93
  • Vice-​amiral Eugene J. Car­roll, directeur du Centre for Défense Information
  • Lt. Gen­eral John H. Cush­man, Com­man­der, I Corps (ROK/​US) Group (Korea) (1976−78)
  • Gen­eral John R. Galvin, Supreme Allied Com­man­der, Europe (1987−1992)
  • Ami­ral Noel Gayler, ex-​commandant du Paci­fique
  • Gen­eral Charles A. Horner, Com­man­der, Coali­tion Air Forces, opération Desert Storm (1991), for­mer Com­man­der, US Space Com­mand
  • Vice-​Amiral Robert G. James, (Ret.)
  • Gen­eral Andrew O’Meara, (Ret.), ex-​Commander U.S. Army, Europe
  • Général de corps d’armée Robert E. Purs­ley USAF, (Ret.)
  • Vice Ami­ral William L. Read, (USN) (Ret.), for­mer Com­man­der, US Navy Sur­face Force, Commandement de l’Atlantique
  • Gen­eral Bernard W. Rogers, ex-​SACEUR (1979−1987)
  • Général de corps d’armée George M. Seignious, (Ret.), ex-​directeur de l’Arms Con­trol and Dis­ar­ma­ment Agency (ACDA)
  • Vice Ami­ral John J. Shana­han (Ret.) Direc­tor, Cen­ter for Defense Infor­ma­tion
  • Gen­eral William Y. Smith, (USAF) (Ret.), US Com­mand, Europe
  • Vice Admi­ral James B. Wil­son, ex-​pacha du sous-​marin Polaris
  • France

  • Ami­ral Antoine San­guinetti, ex-​chef d’état-major
  • Ghana

  • Gen­eral Emmanuel Ersk­ine, (Ret.), ex-​commandant en chef et chef d’état-major, commandant de la FINUL au Liban, membre du Conseil de Pug­wash depuis 1992
  • Grèce

  • Lt. Gen­eral Richard Capel­los, (Ret.), ex-​commandant de corps
  • Major Gen­eral Kostas Kon­stan­ti­nides, (Ret.), ex-​chef d’état-major
  • Inde

  • Major Gen­eral Indar Jit Rikhye, (Ret.), ex-​conseiller militaire auprès du secrétaire général de l’ONU Dag Ham­marsjold et U Thant, Président de l’Académie de Paix Internationale
  • Lieutenant-​général N. C. Surt, (Ret.)
  • Japon

  • Vice-​Admiral Nao­to­shi Sakoijo, (Ret.), Sr. Advi­sor, Research Insti­tute for Peace and Secu­rity
  • Lt. Gen­eral Toshiyuki Shikata, (Ret.)
  • Jor­danie

  • Major Gen­eral Sah­fiq Ajelilat, (Ret.), Vice Pres­i­dent Mil­i­tary Affairs, Muta Uni­ver­sity
  • Major Gen­eral Mohammed K. Shiyyab, (Ret.), de l’armée de l’air
  • Norvège

  • Vice-​Amiral Roy Breivik, (Ret.), ex-​représentant à l’OTAN
  • Pak­istan

  • Major Gen­eral Ihusun ul Haq Malik, (Ret.), Commandant Joint Ser­vices Committee
  • Pays-​Bas

  • Henry J. van der Graaf, (Ret.), directeur du centre de la maîtrise des armements et de vérification
  • Por­tu­gal

  • Mar­shal Fran­cisco da Costa Gomes, (Ret.), ex commandant en chef de l’armée de Terre, ex-​président du Portugal
  • Royaume-​Uni

  • Gen­eral Sir Hugh Beach, (Ret.), Mem­ber de la Secu­rity Com­mis­sion
  • Maréchal Lord Michael Carver, (Ret.), Com­mander en chef de l’East British Army (1967−1969), Chef d’état-major (1971−1973)
  • Brigadier Michael Har­bot­tle, (Ret.), ex–chef d’état-major, UN Peace­keep­ing Force, Chypre
  • Général de brigade aérienne Alis­tair Mackie, (Ret.), for­mer Direc­tor, Air Staff Briefing
  • Russie

  • Gen­eral Vladimir Belous, (Ret.), Académie Militaire Dzerzhin­sky
  • Army Gen­eral Makhmut Garecy, (Ret.), for­mer Deputy Chief, USSR Armed Forces Gen­eral Staff
  • Gen­eral Boris Gro­mov, (Ret.), Duma Inter­na­tional Affairs Com­mit­tee, ex-​commandant de la 40ème armée soviétique en Afghanistan
  • Major Gen­eral Vic­tor Koltounov, (Ret.), for­mer Deputy Chief, Depart­ment of Gen­eral Staff, USSR Armed Forces
  • Major Gen­eral Valentin Lar­i­nov, (Ret.), Gen­eral Staff, USSR Armed Forces
  • Major Gen­eral Vadim Makarevsky, (Ret.), Deputy Chief, Komiby­shev Engi­neer­ing Acad­emy
  • Lt. Gen­eral Vladimir Medvedev, (Ret.), Chief, Cen­ter of Nuclear Threat Reduc­tion
  • Gen­eral Gre­gory Mikhailov, (Ret.), for­mer Deputy Chief, Depart­ment of Gen­eral Staff, USSR Armed Forces
  • Major Général Eugeny Nozhin (Ret.) for­mer Deputy Chief, Depart­ment of Gen­eral Staff, USSR Armed Forces
  • Lt. Général Lev Rokhlin, (Ret.), Chair, Duma Defense Com­mit­tee, ex-​commandant du 4ème corps d’armée
  • Lt. Gen­eral Ivan Sle­port, (Ret.), Depart­ment of Gen­eral Staff, USSR Armed Forces
  • Major Gen­eral Rair Simonyan, (Ret.), Head of Chair, Gen­eral Staff Acad­emy
  • Gen­eral Boris T. Surikov, (Ret.), for­mer Chief Spe­cial­ist, Ministère de la Défense
  • Colonel Gen­eral Niko­lay Teherov, (Ret.), for­mer Chief, Depart­ment of Gen­eral Staff, USSR Armed Forces
  • Lt. Gen­eral Michael S. Vino­gradov, (Ret.), for­mer Deputy Chief, Oper­a­tional Strate­gic Cen­ter, USSR Gen­eral Staff
  • Vice-​Amiral Radiy Zoubkov, (Ret.), Chief, Nav­i­ga­tion, USSR marine
  • Sri Lanka

  • Général de division Upali A. Karu­maratne, (Ret.)
  • Général de division C.A.M.M. Silva, (Ret.)
  • Tan­zanie

  • H.C. Lupogo, (Ret.), ex-​Chief Inspec­tor Gen­eral, forces armées de Tanzanie

 

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