Bretagne et Grand Ouest

Georges Ploteau de l'ARACA Rennes l’Hommage citoyen et pacifiste à Jean Jaurès homme de paix, initié par le Mouvement de la Paix et l’ARAC, s’est déroulé en présence de 20 personnes dans la rue Jean Jaurès le 31 juillet 2014. Aux militants présents se sont joints 2 élus municipaux Yannick Nadésan (groupe communiste de la majorité – Rennes Créative et solidaire) et de Cyryl Morel élu socialiste).

Cet hommage a commence par la lecture d’extraits de son discours à Valse le 25 juillet 1914 cinq jours avant son assassinat.

Puis Georges Ploteau pour l’ARAC a prononcé l’intervention ci-dessous:

 

 

 

31 juillet 1914. 100e Anniversaire de l’assassinat de Jaurès
Commémoration rue Jean Jaurès à Rennes
Intervention ARAC d’Ille et Vilaine. Georges Ploteau

Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

En décidant cette initiative, au cœur de la saison estivale nous nous doutions que la foule ne serait pas nombreuse. D’autant plus que depuis plusieurs semaines nos militants et sympathisants participent aux rassemblements qui se succèdent inlassablement à Rennes pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens.

Nous le signalons dès à présent notre exposition de l’ARAC sur 1914/1918 continue à être présentée, des débats, des rencontres sont prévues pour la rentrée.

En effet, nous ne pouvions passer sous silence la vie et la mort de Jean Jaurès.

Le 31 juillet 1914, il déjeunait au Café du Croissant proche de son journal l’Humanité, afin de continuer à préparer ses derniers cris humanistes contre cette guerre qu’il voyait dramatiquement s’approcher, recueillir les ultimes déclarations du mouvement ouvrier français et allemand, il dénoncerait encore la répression violente par la police des manifestations pacifistes à Paris comme à Berlin.

A 21h40, Jean Jaurès était assassiné de 2 coups de révolver par Raoul Vilain un étudiant ultra nationaliste proche de l’Action française.

La question que chantait Jacques Brel en 1977, nous est reposée aujourd’hui:

« Pourquoi ont-ils tué Jaurès? »

Dans les mois qui viennent des initiatives diverses auront donc lieu pour mieux évoquer Jaurès et le début de cette guerre dite « grande ». Résumer la vie, la pensée, l’action d’un tel personnage ne peut être raccourci en quelques minutes, il faut cependant essayer de présenter quelques points.

Ce fils de paysan du Tarn avait réussi brillamment ses études, dans une 3e République où les idées les plus conservatrices des royalistes, bonapartistes, de l’extrême-droite… rêvaient de revenir au pouvoir par tous les moyens. Jaurès, lui avait choisi le camp républicain. Les grèves de Carmaux et leur répression, les contacts qu’il eut avec le monde ouvrier l’amenèrent à regarder, à comprendre la vie du peuple des villes et des campagnes. Les recherches philosophiques, économiques étaient importantes mais un mouvement social, politique ne pouvait se faire qu’avec le peuple lui-même.

Avec lui, les choix des anciens républicains revenaient: la République, on devait continuer à l’appeler « la sociale ».

La nation, c’était le choix des hommes de vivre ensemble. Être citoyen d’une nation, ne faisait que renforcer à ses yeux l’internationalisme. Le journal qu’il lança prit un nom significatif « L’Humanité ».

Un autre point important, c’était à la fois sa fermeté et sa tolérance, son désir de réunir les citoyens. Il finit par rassembler le mouvement socialiste et l’Internationale ouvrière. Egalement, bien que critiquant sur d’autres choix le gouvernement Briand, il apporta sa pierre aux Lois de 1905 sur la laïcité, en cherchant une citoyenneté laïque: séparation indispensable de l’Eglise et de l’Etat mais aussi liberté religieuse, liberté de conscience.

C’est dans tout ce cadre social, républicain, tolérant, internationaliste que Jaurès fut un pacifiste convaincu et il le restera jusqu’à sa mort. Mais pour lui, et c’est important pour nous aujourd’hui de le souligner: combattre la guerre, c’était d’abord combattre les causes des guerres, la misère, l’injustice sociale, les droits des peuples à vivre libre.

Il n’était pas non plus un simple rêveur, la sécurité des peuples et d’une nation il l’a voyait en 1910, dans une « armée nouvelle » garantissant la paix avec et pour les citoyens.

Aujourd’hui, on spécule sur ses choix s’il avait survécu retenons ses dernières paroles.

à Lyon -Vaise, le 25 juillet 1914) extraits

« …Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe… quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie!. …Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar. .. »

Dans ces derniers articles, il écrira

« Le plus grand danger à l’heure actuelle n’est pas, si je puis dire, dans les événements eux-mêmes. […] Il est dans l’énervement qui gagne, dans l’inquiétude qui se propage, dans les impulsions subites qui naissent de la peur, de l’incertitude aiguë, de l’anxiété prolongée. […] Ce qui importe avant tout, c’est la continuité de l’action, c’est le perpétuel éveil de la pensée et de la conscience ouvrière. Là est la vraie sauvegarde. Là est la garantie de l’avenir. »

Alors, on comprend mieux pourquoi les idées de cet homme dérangeaient tant; pourquoi ces ennemis faisaient crier dans les rues « à mort Jaurès! ».

— Maurice de Waleffre écrivait dans L’Écho de Paris du 17 juillet 1914

« Dites-moi, à la veille d’une guerre, le général qui commanderait […] de coller au mur le citoyen Jaurès et de lui mettre à bout portant le plomb qui lui manque dans la cervelle, pensez-vous que ce général n’aurait pas fait son plus élémentaire devoir? »

Jaurès sera donc le premier mort de la Guerre 14/18. Car comme il le prévoyait un dramatique jeu d’échecs entrainera les Etats d’Europe avec leurs colonies, les pays de tous les continents:

dans une guerre qui deviendra mondiale.

Une guerre avec des moyens modernes industriels de destructions jamais atteints. Face aux mitrailleuses et aux canons l’état-major, le gouvernement, les députés et sénateurs rassemblés dans une Union sacrée enverront toute une jeunesse au combat dans une tenue semblable aux guerres napoléoniennes sans casque, mais avec une belle cravate et un pantalon rouge qui faisaient pour l’ennemi une cible idéale.

On ne pourra déterminer avec précisions les énormes pertes civiles.

De part et d’autres des nations belligérantes, plus de 65 millions d’hommes seront mobilisés.

Parmi eux, les décès militaires se situeraient selon les historiens d’août 1914 à novembre 1918, de 8.500.000 à 10 millions d’hommes:

  • Du côté des alliés, l’Empire Russe avec 1.700.000 morts, la France et ses colonies 1.400.000, le Royaume Uni de Grande Bretagne d’Irlande et son Empire plus de 900.000, l’Italie 650.000, la Roumanie 335.000, la Serbie 365.000, les États-Unis 125.000, la Belgique plus de 40.000 et des milliers ou des centaines dans des pays qui participeront à cette guerre: la Grèce, le Japon, le Luxembourg, le Portugal et ses colonies, citons d’autres pays qui participèrent mais seront moins touchés le Siam, le Libéria, le Brésil, puis le Guatemala, le Nicaragua, le Costa-Rica, Haïti…etc.
  • Du côté des Empires Centraux, l’Allemagne perdra entre 1.800.000 et 2 millions d’hommes, l’Autriche-Hongrie 1.500.000, l’Empire Ottoman 400.000, la Bulgarie plus de 80.000. Autres pays la Finlande, la Géorgie, la Lituanie etc…

Et, il y eut aussi les blessés militaires: amputés, gueules cassées, blessés du poumon estimés à 29 millions, dans des proportions similaires

Pour ce qui concerne les troupes françaises, selon les statistiques du Général Percin qui commençaient à être relevées dès 1919:

  • sur 8.410.000 hommes qui furent mobilisés dans nos troupes françaises,
    • 3.562.470 blessures
    • 1.383.000 laisseront leur vie.

Dans la 5e Armée française sur le 10e corps d’Armée de Rennes réunissait principalement des divisions d’infanterie regroupant les régiments qui rassemblèrent 318.000 mobilisés venant de l’Ille et Vilaine (comme entre autres le 41e R.I. de Rennes), des Côtes-du-Nord et de la Manche. Parmi eux 62.100 morts et disparus, soit 19,5%.

C’est au cœur de cette guerre en 1917 que naquit notre Association Républicaine des Anciens Combattants réunissant l’écrivain Henri Barbusse, des jeunes militants ou syndicalistes dénonçant cette Union sacrée comme Vaillant Couturier, Bruyère, Lefebvre, … tous voulant qu’on arrête cette guerre.

Au cours du siècle dernier dans des périodes dramatique et encore aujourd’hui, nous continuons à nous référer à l’œuvre et la pensée de Jaurès. Pour nous le travail de mémoire est important, mais il doit nous servir à ne pas seulement pleurer sur le passé, mais à regarder les situations du présent et de l’avenir.

On nous dit qu’aujourd’hui les admirateurs de Jaurès sont nombreux. Alors, qu’ils se rassemblent avec ceux qui condamnent la guerre, qu’ils se rassemblent pour que les droits de l’homme le droit international soient respectés par tous.

On ne peut pas aujourd’hui admirer Jaurès et se taire!

Nous pensons que le combat pour la paix pour la vie est toujours d’actualité.

 

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