Voici un reportage de Gérard Tur publié le 24 avril 2013 sur le site Econostrum. Cliquez ici pour voir l’article original sur ce site.
La Libye s’enfonce dans le chaos…sauf en matière d’hydrocarbures
L’attentat de mardi 23 avril 2013 contre l’ambassade de France de Tripoli illustre l’insécurité qui règne en Libye. Seule l’industrie pétrolière fonctionne correctement.
LIBYE. Une voiture piégée a explosé mardi 23 avril 2013 devant l’ambassade de France à Tripoli, blessant deux gendarmes et causant de très importants dommages au bâtiment. L’ambassade venait d’être restaurée après avoir été pillée par les soldats du colonel Kadhafi pendant la guerre civile de 2011.
Deux ans après la révolution, le pays n’arrive pas à retrouver sécurité et stabilité. Déjà en septembre 2012, une attaque d’islamistes contre le consulat américain de Benghazi avait causé la mort de l’ambassadeur des États-Unis en Libye et de trois autres américains.
Les meurtres et attentats sont monnaie courante, contraignant ces derniers mois de nombreux Occidentaux à fuir la Libye.
Le gouvernement libyen ne dispose que d’un pouvoir très limité sur son territoire. Il n’a pas réussi à désarmer les milices qui aujourd’hui contrôlent des régions. Ainsi, une partie de la ville de Benghazi se trouve aux mains des islamistes radicaux. La capitale elle-même subit le joug de bandes armées qui se sont arrogé des quartiers entiers.
Le pétrole coule à flot
Les islamistes tentent d’écarter leurs rivaux politiques en imposant au Congrès général national (CGN) un projet de loi sur « l’isolation » politique. Le texte prévoit d’exclure des élections tous les anciens cadres de Libye ayant collaboré de près ou de loin avec le régime de Kadhafi. Il décapiterait pratiquement tous les partis politiques libyens non islamiques, y compris des hommes clefs qui sont entrés en rébellion contre Kadhafi dès les premiers mois de l’insurrection. Dès lors, les Frères musulmans seraient pratiquement assurés de disposer de la majorité aux prochaines élections.
Pour faire passer ce texte, les milices islamistes n’ont pas hésité en mars 2013 à assiéger armes à la main le CGN pour contraindre les élus à voter oui.
L’économie est en ruine, seul le secteur pétrolier fonctionne réellement. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la production de pétrole de la Libye atteignait 1,4 million de barils/jour en mars 2013, soit 90% du niveau d’avant-guerre. Le gouvernement libyen espère arriver à 1,7 million de barils/jours en 2014. Selon le FMI, la Libye affichait une croissance économique de plus de 100% en 2012. Mais elle partait de pratiquement zéro en 2011 (-61% de PIB) et doit cette performance exclusivement au redémarrage de son industrie pétrolière.
En dépit des risques, les pétroliers sont en effet présents en Libye. Ainsi, Total va investir en 2013 plus de 130 M$ (100 M€) le forage de deux puits d’exploration de gaz dans le champ maritime d’Al-Jurf. Le géant français est déjà présent sur le champ de Mabrouk. Il va y réaliser des études sismiques puis pense démarrer des forages en 2015. Total travaille en Libye en partenariat avec la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC). Le pétrolier produit quotidiennement 76 000 barils d’hydrocarbures.
Le groupe russe Tatneft a lui aussi repris ses activités en Libye en y investissant 260 M$ (199 M€). Gazprom et le groupe énergétique italien ENI ont signé en septembre 2011 un accord prévoyant l’exploitation commune du gisement pétrolier Elephant.
Le pétrole et rien d’autre
Les entreprises des autres secteurs et les sous-traitants des géants pétroliers rencontrent en revanche beaucoup plus de difficultés. Les travailleurs étrangers doivent vivre en quasi-état de siège et ne peuvent faire venir leurs familles. Ponticelli a évacué au début du printemps 2013 ses employés du site pétrolier de Mabrouk exploité par Total. Mabrouk est isolé en plein désert et déjà des milices se sont affrontées en mars 2013 à quelques dizaines de kilomètres du site.
Au total, sur la cinquantaine d’entreprises françaises actives en Libye avant la révolution, seule une quinzaine y est revenue et travaille vaille que vaille.
Les quelques chiffres macroéconomiques disponibles sont faussés par le poids du pétrole, car la production d’hydrocarbures représente plus de 80% du PIB de la Libye et presque 100% de ses exportations. Le FMI estime l’inflation libyenne à 6% en 2012 contre 15,9% en 2011. La Banque centrale de Libye (Bcl) mise sur une croissance moyenne de 15% entre 2013 et 2018. Pour le FMI, la Libye à trois défis à relever: « réussir sa transition politique, sécuriser le pays, adopter une discipline budgétaire tout en maintenant la stabilité macroéconomique. »
Gérard Tur