Article du blog ChoufChouf proposé par Mohamed Kacimi le 8 juillet 2014 (cliquez ici pour voir l’original):
Je reviens de Gaza
J’ai séjourné à Gaza au mois de mai. J’avoue que j’ai découvert une ville aux antipodes de mes représentations et des clichés que nous en avons. Non, Gaza n’est pas un faubourg de Kaboul où des barbus font avancer à coups de cravache des meutes de femmes. Non, Gaza n’est pas un bidonville avec des égouts éventrés où pourrissent des cadavres d’enfants et de rats. Oui, Gaza est une prison à ciel ouvert mais dont les habitants font comme s’ils habitaient le territoire le plus libre de la planète. C’est ça le miracle de cette ville, c’est de continuer à vivre coûte à coûte, à s’éclairer quand la lumière est coupée, à se laver quand il n’ y a plus d’eau, prendre sa voiture quand il n’y a plus d’essence, à faire ses courses quand il n’y a plus rien à acheter, à aimer même si le mot amour a été rayé de la langue. On sait l’aversion profonde que j’ai pour les islamistes, mais j’avoue que Gaza est une cité mieux tenue que Ramallah et que le centre ville est plus propre qu’Alger centre. Je n’invente rien. J’ai travaillé avec des étudiants remarquables dont le nouveau en français dépasse et de loin celui des départements de français des pays arabes francophones, par exemple. Je n’ai pas vu de terroristes à Gaza mais des gens, des jeunes en particulier, n’ont qu’une seule ambition dans la vie, vivre normalement comme tous les autres gens de la planète, sans drone au-dessus de la tête, sans murs et barbelés à l’horizon, sans mitrailleuse au large qui vous fauche quand vous faites une brasse de trop. Quant aux roquettes lancées depuis Gaza, bien entendu, elles tombent souvent dans le désert de Shdérot. Elles sont l’oeuvre de groupes extrémistes qui considèrent le Hamas comme un parti de la capitulation. Comme les points d’où partent les roquettes sont automatiquement repérés par les drones et bombardés dans la seconde qui suit, les groupes essaient de brouiller les pistes et souvent quand ils essaient de tirer depuis les cours ou les terrasses des gens, ils se font chasser. Au delà du caractère absurde, criminel, dérisoire et désespéré que représentent ces tirs depuis la bande de Gaza, rien ne justifie ce déploiement de force et de technologie meurtrière contre des populations civiles, épuisées par sept années de blocus de fer. Il faut avoir passé une nuit de sa vie sous les bombardements de F16 pour connaître ce que c’est que la peur ou la mort. Mais à force d’être humiliés, les Palestiniens ne connaissent plus la peur. Dans ce territoire de la mort, la peur n’existe plus. Un mot enfin pour les amis qui à juste titre sont outrés ou scandalisés et qui affublent Israël de qualificatifs tels que nazis, fascistes ou barbare. Je ne pense pas que la stigmatisation puisse faire avancer la paix, ce genre d’amalgame ne sert qu’à créer davantage de haine là où il y a trop de haine déjà. Je fais partie de cette poignée de rêveurs, en voie de disparition, qui a cru et qui croit encore à un Etat démocratique et laïc pour deux peuples si proches par leur culture et si éloignés par la folie des religieux des deux bords. Et durant ces moments de folie, je me demande pourquoi si peu de gens se souviennent de cette injonction que Dieu n’a cessé de répéter à Moïse durant la traversée du désert « Tu n’opprimeras jamais l’étranger, car tu as été toi même étranger en Egypte. »